Barzaz Bro-Leon
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Titre
Description
Le fonds du Barzaz Bro-Leon comprend les réponses au concours de chansons en breton lancé dans l’hebdomadaire Le Courrier du Finistère par Jean-Marie Perrot, vicaire à Saint-Vougay, en vue de publier une anthologie de chansons du Léon (zone géographique située dans le nord-ouest de la Bretagne qui correspond à l’ancien évêché de Léon et où est parlé le dialecte breton léonard).
Le concours a connu plusieurs éditions dont les dates d’appel dans Le Courrier du Finistère sont le 9 juin 1906 (avec un rappel le 21 juillet 1906), le 13 juillet 1907 et le 24 juillet 1909. L’essentiel des documents datés se situe en 1906 et en 1907. Les dates sont rarement indiquées à la fin des chansons. On les retrouve plus souvent dans les courriers qui accompagnent les envois et surtout grâce au cachet postal lorsque les enveloppes ont été conservées.
Le premier concours en 1906 permet de rassembler plus de 500 documents : les contributeurs des 40 envois les plus remarquables – soit la moitié des participants – sont récompensés lors d’une remise des prix au cours de la fête du Bleun-Brug qui se déroule au château de Kerjean en septembre 1906. Les éditions ultérieures, ainsi que les quelques pièces rassemblées sur le même thème par Jean-Marie Perrot de façon postérieure à 1909, donnent au total un ensemble de plus de 1000 documents.
L’essentiel du fonds est composé de chansons en langue bretonne. Le premier appel lancé par Jean-Marie Perrot avait pour but de rassembler uniquement des chansons issues du répertoire de tradition orale. En réalité, les documents reçus sont beaucoup plus variés : on y trouve aussi des chansons de composition récente, des chansons issues de feuilles volantes imprimées, des proverbes et devinettes, des contes et des histoires drôles. La plupart sont en breton, mais quelques pièces sont aussi en français. Les chansons représentent tout de même près de 90% du corpus.
Le concours ne s’adresse normalement qu’aux habitants du Léon. Cette recommandation est globalement respectée puisque environ 94% du corpus correspond à cet espace : sur les 116 communes que compte le Léon au début du 20e siècle, 56 sont représentées par des contributeurs au Barzaz Bro-Leon. On trouve aussi quelques documents en provenance du Trégor et de la Cornouaille.
Ce fonds se caractérise par l’originalité de son contenu, lui-même lié à l’originalité des méthodes de collectes mises en place. Depuis le 19e siècle, les méthodes d’enquête habituellement mises en œuvre consistent, pour un collecteur, à aller lui-même à la rencontre de chanteurs. En passant par un concours et en demandant aux lecteurs du Courrier du Finistère de lui adresser les vieilles chansons bretonnes qu’ils connaissent ou qu’ils peuvent recueillir dans leur entourage, Jean-Marie Perrot lance au contraire une entreprise collective qui regroupe près de 150 personnes, parmi lesquelles il occupe plus un rôle d’initiateur et de coordinateur que de réel collecteur. Une trentaine de lettres adressées par des participants au concours apportent des renseignements sur l’origine socioculturelle des contributeurs, leur perception de la tradition orale et l’état de la pratique chantée en Léon.
Le contenu héréroclite du fonds est le reflet de ce choix de méthode. Les gwerzioù (complaintes tragiques) anciennes, privilégiées par les folkloristes du 19e siècle, ne correspondent qu’à 5% de l’ensemble. Les sonioù (chansons plus légères, par exemple les chants d’amour ou de travail) sont mieux représentées. Mais ce sont surtout les chansons issues de feuilles volantes ou les compositions récentes inspirées par les chansonniers à la mode qui sont majoritaires. Le Barzaz Bro-Leon reflète ainsi la diversité des chansons en circulation en Basse-Bretagne dans les premières années du 20e siècle.
L’idée originelle du Barzaz Bro-Leon émerge dans un contexte de tensions violentes entre l’Église et l’État à l’échelle de la France. Le jeune vicaire Jean-Marie Perrot cherche par ce concours à promouvoir le patrimoine oral du Léon, en s’inspirant du Barzaz-Breiz publié par Théodore Hersart de La Villemarqué en 1839. Ses objectifs sont multiples : réfuter les préjugés des folkloristes du 19e siècle qui assurent que le Léon est pauvre en traditions orales, défendre la culture bretonne qu’il considère comme étant étroitement liée à la foi catholique et à la langue bretonne, et raviver la transmission orale de ce répertoire moribond.
L’histoire du fonds et les multiples manipulations qu’il a subies tout au long du siècle écoulé expliquent qu’il apparaisse aujourd’hui tronqué de certaines pièces mais également enrichi par des documents postérieurs aux éditions du Barzaz Bro-Leon. Le projet de publier une anthologie rassemblant les plus belles chansons du Léon recueillies par l’intermédiaire du concours ne voit jamais le jour. Après la mort de Jean-Marie Perrot en 1943, le fonds est conservé par son secrétaire et exécuteur testamentaire Herri Caouissin, puis aujourd’hui par le fils de ce dernier, Youenn Caouissin.
La collecte du Barzaz Bro-Leon est restée quasiment inexploitée tout au long du 20e siècle et très peu de pièces envoyées au concours ont été publiées dans des journaux ou des revues. Il faut attendre 2012 pour qu’une partie du corpus soit publiée et traduite dans : Barzaz Bro-Leon, une expérience inédite de collecte en Bretagne, sous la direction d’Éva Guillorel, Presses Universitaires de Rennes / Centre de recherche bretonne et celtique, 2012. Nous renvoyons à l’introduction critique de cet ouvrage pour plus de précisions sur le contexte, le contenu et l’intérêt du fonds du Barzaz Bro-Leon.
Note : Les différences entre le contenu du fonds tel que décrit dans l'ouvrage Barzaz Bro-Leon, une expérience inédite de collecte en Bretagne, sous la direction d’Éva Guillorel, Presses Universitaires de Rennes / Centre de recherche bretonne et celtique, 2012 et les documents mis en ligne sur la Bibliothèque numérique s’expliquent par l’apport de nouveaux documents retrouvés par le propriétaire du fonds depuis 2012 et qui n’étaient pas connus lors de la publication du livre.